LES DEUX GENDRES

Oeuvre

Titre : LES DEUX GENDRES
Auteur(s) :
Famille de genre : Comédie simple
Genre : Comédie en vers

Sources

Les Deux gendres, comédie en 5 actes et en vers, Paris, Lenormant, 1811.
BNF, YF-7144.

Représentation(s)

Compte rendu : 

La pièce fait partie du répertoire du directeur Julien, pour l'année théâtrale 1812-1813.

Compte rendu : 

En 1813, cette pièce fait partie du répertoire de plus de 330 œuvres que le directeur Degarron souhaite faire jouer à sa troupe, stationnée à Nice.

Compte rendu : 

La pièce fait partie du répertoire théâtral de 624 pièces que se propose de faire jouer, pour la saison 1813-1814, le directeur breveté du 39e arrondissement théâtral Singier.

Compte rendu : 

La pièce fait partie du répertoire théâtral du directeur Seligman, pour l'année théâtrale 1813-1814.

Interprète(s) :
Sources : 

AD Haute-Garonne, Haute-Garonne, administratif, judiciaire d’annonces, 17 Mars 1811

Compte rendu : 

"Les éloges que les journaux de Paris avoient prodigués aux Deux Gendres, comédie nouvelle en cinq actes et en vers, de M.Etienne, avoient fait naître à Toulouse le désir de connoître cet ouvrage ;  il vient d’être accompli, et les Deux Gendres ont paru avec le plus grand succès sur le théâtre de cette ville. Autant le parterre s’est montré sévère dans le courant de cette année, envers des productions que le goût ou les mœurs réprouvent, autant il s’est plu à rendre hommage à une pièce qui réunit les beautés du style et la moralité.

Nous ne nous arrêtons point ici à donner une analise des Deux Gendres. Une analise est toujours froide, et ne donne jamais qu’une idée très-imparfaite d’une pièce de théâtre. Nous supposons que nos lecteurs ont vu celle dont nous parlons, et dans le cas contraire, nous les invitons à ne point se refuser pus long-temps le plaisir d’admirer un excellent ouvrage. Ainsi sans entrer dans les détails de l’intrigue, nous allons jeter un coup-d’œil rapide sur le style, les caractères et l’ensemble de la pièce.

La première chose qui frappe à la lecture des Deux Gendres c’est la pureté et l’élégance du style. Des tirades écrites avec force, des portraits bien tracés, un grand nombre de vers heureux et de traits comiques, mettent cette comédie au rand des pièces les mieux écrites. Les bornes de cette feuille ne nous permettent point de citer les morceaux qui nous ont le plus frappé ; mais nous invitons le lecteur à s’assurer par lui-même de la justice de nos éloges. L’auteur a peint dans Dupré un vieillard vertueux mais faible. Dalainville, l’un des gendres, est un ambitieux que l’orgueil dévore et que ses dignités enivrent. Il se croit vertueux, parce qu’il évite avec soin de blesser l’opinion publique dont il est esclave. Mais il n’a que le masque des vertus, et il aime mieux en toute occasion.

« Être un peu plus coupable et paroître innocent »

Dervières son beau-frère est un soi-disant philanthrope.

« Pour les pauvres toujours il compose, il écrit,

… mais s’il faut payer jamais il ne souscrit.

C’est pour les malheureux un homme de ressource,

Il leur prête sa plume et leur ferme sa bourse. »

C’est de plus avare.

« Il a poussé si loin l’ardeur philanthropie,

Qu’il nourrit tous ses gens de soupe économique. »

Un ambitieux, qui feint de refuser toutes les places, parce qu’il n’en a pu obtenir aucune, et

« Qui s’est fait bienfaisant pour être quelque chose »

Aux trois caractères du beau-père et des deux gendres, l’auteur en a opposé un seul. C’est celui de Frémont, armateur de Bordeaux, vieil ami et ancien associé de Dupré. Sa fermeté contraste avec la faiblesse de ce vieillard, et sa brusquerie avec les dehors polis de Dalainville, tandis que sa franchise et la bonté de son cœur font ressortir d’avantage l’ypocrisie du bienfaisant Dervieres.

Les caractères secondaires ne sont pas moins bien tracés, Madame Dalainville, fille de Dupré, est une femme dont le cœur est bon, mais à qui les grandeurs ont tourné la tête, et fait oublier un moment les sentiments de la nature, Amélie, fille de Dervieres, et par conséquent petite fille de Dupré, est une jeune personne naïve et sensible. Elle chérit son grand-père et le console de ses chagrins. Charles, son cousin, est né sans fortune ; mais sage, rempli de talents et d’une noble fierté. Enfin Dupré a un vieux domestique, dont la mauvaise humeur est vraiment comique. Ce bon homme qui partage le malheur de son maître, souffre de la voir supporter si patiemment les procédés de ses gendres. Son air humble fait ressortir l’insolence et le ton important du valet de chambre de Dalainville.

Tous ces caractères sont aussi bien dessinés qu’ils sont bien choisis. Mais le rôle que l’auteur a le plus soigné c’est celui de Dervieres. Il ne sort pas un mot de sa bouche qui ne porte l’empreinte de son hypocrisie. C’est un portrait achevé de ces tartuffes de bienfaisance que l’on rencontre dans la capitale, et qui a force de vouloir persuader aux autres qu’ils sont bienfaisans, ont fini par se le persuader à eux-mêmes. On a reproché à l’orgueilleux Dalainville de s’humilier trop facilement devant l’armateur Frémont. Si l’auteur a voulu peindre l’alliance si commune de la bassesse et de l’orgueil, on ne peut qu’applaudir à son intention. Mais peut être ne faloit-il point faire passer aussi subitement ce personnage, à qui tous les autres reprochent un orgueil excessif, à un état d’humiliation aussi complet. Peut-être falloit-il indiquer avec plus de force le combat de sa vanité et de son ambition ? Deux vers seulement marquent cette intention. L’un est dans la bouche de Dervieres. Il dit à son beau-frère :

« On ne s’abaisse point en suppliant un père »

L’autre échappe à Dalainville quand il est aux genoux de Dupré.

« Hélas ! ne suis-je point assez humilié ! »

Au reste, c’est à l’acteur chargé de ce rôle à faire ressortir cette nuance, il est très capable de la saisir et de la rendre avec talent.

On a fait aussi un reproche à Frémont. Cet armateur que l’on nous annonce comme un homme loyal et franc ne vient à Paris que pour y jouer un rôle d’escroc. Il fait un mensonge aux deux gendres pour leur arracher en quelque sorte une restitution. On ne peut répondre victorieusement à ce reproche. Frémont en arrivant, trouve comme il le dit lui-même, son ami logé sur le pavé ; alors il lui offre de venir à Bordeaux demeurer chez lui ; mais avant de partir il veut détromper le public sur le compte des deux ingrats. Le seul moyen, dit-il, de les punir, c’est de leur faire peur. Il feint de rapporter à son ami une somme assez considérable pour se rendre indépendant de ses gendres. Dupré délivré de leur domination va faire retentir Paris de ses plaintes et soulever contr’eux l’opinion publique. C’est tout ce que ceux -ci redoutent ; Dalainville voit le ministère, objet de son ambition, prêt à lui échapper, et par contre-coup Dervieres perdra aussi la place que Dalainville lui a promise. Quand ils ont épuisé tous les moyens pour engager Dupré à démentir les bruits qui se répandent, ils font chacun séparément un acte par lequel ils restituent à leur beau-père tous les biens dont il s’est dépouillé pour eux. Rien n’indique dans Frémont l’intention de les amener à un dénoûment qu’il ne pouvoit même prévoir. Il vouloit seulement les punir, mais il eût été vraiment coupable s’il se fut opposé à une restitution qui remplit entièrement son but, et qui assure pour l’avenir l’indépendance et le bonheur de son ami. Un tort qu’on pourroit reprocher à l’auteur, c’est de n’avoir point assez séparé dans l’esprit du spectateur et dans la double restitution, la dote que Dupré a dû donner à ses filles, de l’abandon de tous ses biens, que des importunités et des caresses lui ont arraché depuis. Cette distinction n’est exprimée que dans deux vers.

« Ce n’est qu’à force d’art, de perfides caresses,

Que vos gendres vont ont soutiré vos richesses »

Quelques personnes ont pensé que l’auteur, pour mettre le caractère de Frémont à l’abri de toutes les critiques, auroit pu supposer que Dupré ne s’étoit point défait de son portefeuille, qu’il possédoit encore 220,000 fr. entre les mains de son ami, et rendre ainsi véritable le faux récit que fait Frémont aux deux gendres. Mais nous pensons que cette circonstance diminueroit l’intérêt qu’inspire la position malheureuse de Dupré ; d’ailleurs, une des règles du poëme dramatique est, que tous les incidens soient tirés du fond du sujet. Il y a une grande différence, dit Aristote (qu’on nous pardonne de la cite) entre des incidens qui naissent les uns des autres, et des incidens qui viennent simplement les uns après les autres. Ainsi, outre que la circonstance des 220,000 fr. seroit invraisemblable, elle seroit étrangère à l’action et par conséquent répréhensible.

Il est un autre reproche mieux fondé, mais qu’il n’a pas été au pouvoir de l’auteur d’éviter. C’est que la pièce, en même temps qu’elle fait rire, fait aussi verser des larmes, et qu’elle tient presque autant du drame que de la comédie. C’est sans doute un défaut, mais qui tient entièrement de la nature du sujet. Le poëte avoit à peindre à la fois les ridicules de la vanité et les crimes de l’ingratitude. Molière lui-même, dans son Tartuffe, ne nous fait-il pas verser des larmes, quand il peint au cinquième acte la désolation d’Orgon et de sa famille. Tous les commentateurs l’ont excusé, en disant qu’il avoit eu besoin de ce dernier coup de pinceau pour achever le portrait d’un hypocrite.

On a trouvé que le dénoûmeent étoit trop brusque, et qu’il étoit invraisemblable que les deux gendres se décidassent si promptement, et sans se concerter, à restituer à leur beau-père ce qu’ils avoient reçu de lui. Nous croyons ce reproche injuste. L’auteur a imaginé une circonstance qui non-seulement excuse, mais qui rend nécessaire la promptitude du dénoûment. Dupré a refusé de paroître la veille au soir chez le ministre avec ses gendres, pour y démentir les bruits qui se répandent. Delainville conservant l’espoir de le fléchir, le fait excuser auprès du ministre, et l’engage de paroître avec lui le lendemain matin. Dès le point du jour il vole chez son beau-père ; mais Dervieres l’y a précédé : caché dans un cabinet, il écoute l’entretien de Dalainville et de Frémont. Il entend sortir son beau-frère pour aller sur-le-champ chercher l’acte de restitution. Alors, pour ne pas rester en arrière, il se détermine à faire le même sacrifice. Voilà ce qui rend la promptitude du dénoûment et la double restitution vraisemblable ; et loin de blâmer l’auteur d’avoir su brusquement terminé sa pièce, il faudroit le louer de l’adresse qu’il a mis dans la conduite de ces deux derniers actes.

Encore un reproche, mais qu’il soit le dernier.

La toile en se baissant laisse ignorer si Dalainville sera ou ne sera pas (missing) dramatique, qui veulent que le dénoûment satisfasse pleinement la curiosité du spectateur, qui doit se retirer parfaitement instruit du sort et de la situation des principaux personnages. Mais la nature du sujet rendoit ce défaut inévitable. L’auteur a pu seulement faire entrevoir que Dalainville n’obtiendroit point une place dont il est si peu digne ; c’est lorsque le beau-père, cédant à ses instances, lui dit :

« Mais je ne réponds pas qu’il en soit encor temps. »

Résumons-nous. Si la pièce dont il s’agit offre des imperfections, elle les rachète amplement par des beautés. Elle offre un but très-moral, et peint avec vérité des ridicules qui appartiennent à tous les temps, mais qui trouvent de nos jours des applications plus fréquentes. Le comique en est toujours noble et décent. L’action est très-bien conduite et marche sans embarras. Nous pourrions citer plusieurs scènes qui font le plus grand honneur au talent de M. Etienne. Cette pièce est son coup d’essai dans la haute comédie, et l’on s’accorde à penser qu’elle est la meilleure de ce genre qui ait paru très long-temps sur la scène française. Débuter ainsi, c’est contracter une grande dette envers le public ; mais il est capable de l’acquitter. Qu’il choisisse à l’avenir un sujet moins défavorable sous certains rapports, et tout nous annonce des ouvrages qui prouveront aux détracteurs de notre littérature, que les auteurs qui ont illustré notre théâtre n'ont point emporté avec eux le secret de leur art, et que le feu sacré peut encore renaître de ses cendres.

Nous devons, avant de terminer cet article, des éloges à la manière dont les Deux Gendres ont été représentés. Guiaud a rempli le rôle de Frémont avec le talent consommé qui le distingue. Mercier a joué celui de Dalainville avec chaleur, et s’est fait vivement applaudir. La douleur noble et tranquille d’un père a été bien exprimée par Saint-Aline. Enfin, la pièce a été jouée avec un ensemble digne d’éloge, et tout annonce qu’elle aura de nombreuses représentations. Nous n’en dirons pas autant de la parodie de la Vestale, jouée et sifflée deux fois. Cette pièce, où l’on trouve une critique ingénieuse et vraie, et beaucoup d’esprit, est malheureusement d’un genre que le public s’obstine justement à proscrire, et nous ne pouvons cette fois, comme beaucoup d’autres, qu’applaudir à sa sévérité. "

Troupe : Les Artistes Dramatiques

Interprète(s) :
Sources : 

AD Aisne, 4 Mi 44. Journal du département de l'Aisne, 16 juillet 1811, n°545

AD Aisne, 4 MI 44. Journal du département de l'Aisne, 18 juillet 1811, n°546

Compte rendu : 

Pièce jouée au bénéfice de M. Clément.

"Mardi dernier, Les Deux Gendres, pièce nouvelle, en vers et en cinq actes, qui, par la régularité de son plan, la correction de son style, et l'extrême moralité de son but, justifie le grand succès qu'elle eu dans la capitale, a été jouée avec un ensemble que l'on espère trouver plus parfait à la seconde représentation. Plus d'assurance de la part des artistes, qui jouaient pour la première fois cette pièce, en fera mieux ressortir les beautés."

Troupe : Les Artistes Dramatiques

Interprète(s) :
Sources : 

AD Aisne, 4 Mi 44, Journal du département de l'Aisne, le mardi 23 juillet 1811, n°548

Compte rendu : 

"Dimanche dernier, on a donné la seconde représentation des Deux Gendres ; et comme nous l'avions bien prévu, les artistes ont joué cette pièce avec une assurance et un ensemble dont ils étaient bien éloignés à la première représentation. M. Armand a fait ressortir toutes les beautés de détails du rôle de Frémont. Celui de d'Allainville est une bonne fortune pour un jeune acteur, et M. Henry, en homme intelligent, a tiré parti de son bonheur ; on ne peut mieux raisonner ce rôle, en saisir les nuances, en développer toutes les intentions : le public satisfait a particulièrement applaudi à l'essai heureux de ce jeune homme, dans la haute comédie, qui paraît convenir à ses talents."

Sources : 

AD du Gard, JR356/1, Journal du Gard, 9 novembre 1811, n°354.

Compte rendu : 

"On a donné, jeudi dernier, la 2ème représentation de la comédie des Deux Gendres. La pièce a été passablement jouée, eu égard au genre de talent des acteurs à qui elle était confiée : on y a remarqué cependant quelques changements faits en dépit de l'auteur, c'est que certains passages, et principalemens la majeur partie du rôle de Derviere, furent mis en prose ; mais ce sont là des misères auxquelles des comédiens chanteurs ne prennent pas garde. Nous ne répéterons pas ici ce qui a été dit sur les beautés et les défauts de cet ouvrage ; ceux qui l'ont le plus critiqué, en se fondant sur la faiblesse des caractères, sur la petitesse ou l'invraisemblance des moyens, ne sauraient cependant disconvenir qu'il ne réunisse à l'intérêt et à la moralité du sujet le mérite d'un bon style et des situations bien amenées qui présentent des images vraies et théâtrales."

Troupe : Troupe stationnaire de Cherbourg.

Compte rendu : 

L'œuvre a été jouée par la troupe du directeur Juclié, aux frais de 83F30 pour une recette de 128F50.

Troupe : Troupe stationnaire de Caen.

Compte rendu : 

L'œuvre a été jouée par la troupe du directeur Juclié, aux frais de 127F35 pour une recette de 114F60.