Théâtre
Salle
Carte
Commentaire
Description architecturale
Par délibération du 27 juin 1780, le corps de ville et les notables de Pau donnent quitus à Flamichon de l’intelligence des plans de son lotissement, relevant seulement une confusion sur un bâti existant, qui n’est pas, comme il le croit, la cantine du château.
- Arrêt du conseil d’État du 4 février 1783 accordant 8 550 toises carrées à M. de Flamichon, ingénieur géographe du Roi, pour construire une salle de spectacle à Pau associée à une future place (Grammont). Soutien du roi acquis = hommage à une ville fidèle à la royauté, berceau d’Henri IV, capitale du Béarn, siège du Parlement de Navarre, siège d’une cour des Aides, d’un bureau des Finances, des états provinciaux, d’une université, d’un hôtel des Monnaies. Mais ville trop resserrée sur son noyau originel, alors que la population n’a cessé d’augmenter, d’où l’idée d’un agrandissement-embellissement, avec ouverture d’une place et alignement des façades du lotissement qui la jouxtera à partir du théâtre.
Décor et accessoire
Règlement de police
5 février 1792 : en exécution de la délibération du 4 janvier précédent, les corps de garde de la comédie et de la porte neuve ont été réparés et aménagés pour le service des patrouilles (bancs, rateliers d’armes, chevalets, haches, scies, cruches, balais).
,18 nivôse an V : « Le commissaire du Directoire exécutif a exposé que par les loix et réglemens de police, l’administration municipale est chargée de diriger les spectacles publics et de veiller à ce que l’ordre et la tranquillité publique n’en puissent être troublés, que déjà dans la dernière représentation qui a eu lieu, il s’est manifesté un ferment de discorde entre des partisans des élèves de l’École dramatique et ceux de la Société des amis des indigens de la commune [sur les dates de leurs représentations, NA], que ce ferment a reçu plus de développement dans les débats qui viennent d’avoir lieu en présence de l’administration qui a essayé de concilier le dissident entre les deux sociétés pour le jour où chacune prétend représenter. Que dans cette conjoncture, l’administration ne doit voir que le calme et la tranquillité publique dans la commune et que le moyen est de déffendre le spectacle demain à la salle de la comédie. Requiert en conséquence faire déffenses tant aux élèves de l’École dramatique qu’à la Société des amis des indigens de jouer sur le théâtre de la comédie demain dix-neuvième nivôse courant aucune pièce de spectacle quelconque ». Poursuites et arrestations sont promises aux contrevenants pour perturbation à l’ordre public.
,20 pluviôse an V : au vu du rapport fait par le citoyen Vignancour, officier municipal, sur les troubles qui ont eu lieu dans la salle de spectacle le 17 pluviôse, l’administration municipale dénonce « les projets liberticides des factieux, qui sont toujours prompts à saisir le prétexte du moindre trouble pour l’augmenter », et considère que tel fut le cas (« une simple affaire de police étoit sur le point de dégénérer en une affaire de parti, sans la fermeté et la prudence du commissaire de police »). Elle replace l’affaire dans un contexte national : « la conspiration qui vient d’être déjouée par le gouvernement pourroit avoir des ramifications inconnues dont il importe de prévoir et d’arrêter les suites ». Elle se réfère à l’arrêté du Directoire du 11 germinal précédent (« tout théâtre où se manifesteroit le moindre trouble sera fermé ») pour fermer « jusqu’à nouvel ordre » le théâtre de la commune, envoyant une copie de cette décision aux directeurs de spectacles présents dans la commune. Le commissaire du Directoire exécutif de la commune l’y avait vivement invitée :
« Les rapports qui nous sont parvenus et les renseignemens que j’ai appris attestent que la disposition des esprits est telle que la prudence exige que vous preniez toutes les mesures qui sont en votre pouvoir afin d’éviter les scènes malheureuses qui affligent dans ce moment plusieurs communes de la république. Il faut arrêter le mal dans sa naissance, il faut déjouer les manœuvres de ces hommes profondément scélérats qui ne cessent de rallumer toutes les passions haineuses et d’exciter à la vengeance. Il faut rendre inutile l’influence funeste qu’ils exercent sur des hommes simples et crédules qui deviennent sans le savoir les instrumens de la royauté ou de l’anarchie. Citoyens administrateurs, le peuple français ne peut recueillir le fruit de ses privations, de ses sacrifices et des triomphes de ses armées que par le rétablissement du calme et de la paix intérieurs ».
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23 brumaire an VII : « Vu le rapport fait à l’administration municipale par le commissaire du directoire exécutif,
Vu le rapport fait à l’administration municipale par le commandant de la place et les commissaires de police.
Vu les lois et les arrêtés du gouvernement sur la police des spectacles.
L’administration municipale, ouï le commissaire du directoire exécutif,
Considérant que le théâtre étant l’école des mœurs, il est de son devoir d’en bannir tout ce qui peut choquer la décence et devenir par suite un sujet ou un prétexte de troubles,
Arrête :
1°. Il est défendu de fumer dans l’intérieur de la salle de spectacle.
2°. Les citoyens qui, par ignorance, tomberoient en contravention à cet arrêté, en seront notifiés par le commandant du poste ou les commissaires de police, et invités par eux à éteindre leur pipe.
3°. Ceux qui, au mépris de cette invitation, continueroient à fumer seront arrêtés et conduits devant l’administration municipale qui dénoncera leur désobéissance pour la faire punir conformément aux lois ».
,21 brumaire an VIII : prenant en compte les lois du Directoire sur la police des spectacles, laissée aux administrations municipales, celle de Pau fixe l’heure desdits spectacles afin « que la décence ne soit point méconnue et que les artistes qui font hommage au public de leurs travaux et de leurs talents méritent les égards des spectateurs » :
« Considérant que quelques citoyens, soit par légèreté ou enfantillage, se permettent les uns de fumer dans l’intérieur de la salle, les autres de jetter des châtaignes, pomes et autres objets sur la scène, ce qui occasionne des murmures, des plaintes et dérange totalement et les artistes et la très grande majorité des spectateurs paisibles,
Considérant que les arrêtés du Directoire exécutif ordonnent qu’il sera chanté des hymnes patriotiques sur les théâtres publics,
Arrête :
1°. Le spectacle commencera à cinq heures et demi précises. Il y aura toujours, conformément aux lois, un ou plusieurs officiers civils dans l’intérieur de la salle pour veiller au maintien de l’ordre et de la décence.
2. Les citoyens Dupuy, Femery et Adeline, et les artistes qui sont sous leur direction, sont tenus de commencer le spectacle à l’heure prescrite par le présent arrêté, et ce sous les peines portées per les lois et réglemens de police en la matière.
3°. Il est expressement deffendu à tout citoyen de troubler l’ordre et la décence dans ledit spectacle, soit en fumant et jettant des fruits ou tout autre chose dans l’intérieur de la salle. Les commissaires de police feront sortir ou arrêter suivant le cas ceux qui ne se conformeraient pas au présent article.
4°. En exécution des arrêtés du Directoire exécutif, les artistes de l’École dramatique sont tenus de chanter chaque soir de spectacle, entre les deux pièces, une hymne patriotique. L’administration municipale a trop bonne opinion de leurs principes républicains pour qu’elle croye devoir leur recommander de mettre dans ce chant l’expression dont il est susceptible.
5°. Nul citoyen ne pourra entrer avec armes ou bâtons dans la salle, à l’exception du commandant de la place et des officiers de police militaire.
6°. Collation du présent arrêté sera adressé au citoyen Labat, commissaire de police, avec invitation d’en donner connoissance aux artistes de l’École dramatique et d’en faire lecture dans la salle de spectacle un instant avant la levée de la toile. Des exemplaires seront affichés dans l’intérieur de ladite salle ».
,17 frimaire an VIII : la loi du 7 frimaire an V accorde aux indigents la perception pendant un semestre d’un décime par franc sur le prix des billets d’entrée des spectacles ; or, le bureau de bienfaisance de la commune se plaint de ne rien recevoir, ou presque. Comme ce mode de prélèvement ne semble produire que « des recettes illusoires », l’administration municipale, en accord avec les administrateurs de l’École dramatique, décident que sera dévolu aux indigents la moitié du produit des cinquième et onzième représentations (les administrateurs de l’École proposaient la totalité du produit de la onzième représentation), et que ce sont les membres du bureau de bienfaisance qui se chargeront alors de la recette – des dons volontaires pour les pauvres seront alors possible en sus du prix des places.
En 1717 et 1727, un théâtre provisoire est installé au premier étage de la Halle de Pau (située, de 1620 à 1729 place Reine-Marguerite) pour des troupes de passage. En 1731, un comédien est autorisé à donner son spectacle dans la salle du Sénéchal, eu premier étage de l’Hôtel-de-Ville, au grand dam du sénéchal qui, via le Parlement de Navarre, fait cesser le spectacle. Mais il semble que d’autres aient eu lieu au même endroit. dès 1758, avec autorisation du corps de ville, est levé un baraquement en bois rue Neuve (actuelle rue Saint-Louis), contre le mur de l’église, long de 72 pieds et débordant jusqu’au milieu de la rue. Un nouveau baraquement le remplace en 1760, puis un troisième en 1771, dévolu à Baron, « directeur de la comédie » (il y donne Le Cid de Corneille et Rose et Colas), enfin à des troupes ambulantes, jusqu’en 1786 (Mme Lefèvre et Pitrot en avril 1777).
Un extrait des registres du Conseil d’État, en date du 8 septembre 1778, nous apprend qu’avant le projet d’une nouvelle salle de spectacle il existait à Pau « une salle de spectacle bâtie en planches dans un endroit peu commode pour le public, et dont la destruction avait été ordonnée » par deux arrêts du Conseil (11 et 17 mars 1778), eu égard à la dangerosité de locaux. La nouvelle est prévue au bout du pont neuf, entre la ville et ses faubourgs, sur des dépendances du parc du château et au bord de la route menant aux glacières, qui devrait être préservée.
En 1778, Alexandre de Capdevielle, greffier au Parlement de Navarre, obtient la concession d’un terrain du domaine royal pour y construire une salle de spectacle, mais, faute de moyens, il cède ses droits en 1782 à François Flamichon, qui imagine en sus de fonder un lotissement et la place Grammont. Le nouveau théâtre est inauguré le 25 avril 1786 par la représentation de Mérope, tragédie de Voltaire ; elle compte environ 800 places, pour une population comprise entre 8 et 9 000 habitants (p. 15-16) – actuellement rue Tran, elle abrite une pharmacie ...
Historique de la construction :
8 septembre 1778 : concession d’un terrain pour une salle de spectacles au sieur Capdevielle (enregistrée le 23 novembre à la Chambre des Comptes).
12 novembre 1782 : concession cédée à Flamichon par arrêt du Conseil d’État, et augmentée le 4 janvier 1783 des terrains nécessaires à l’édification de la place Grammont.
La municipalité de Pau appuie la construction du lotissement par Flamichon à la condition qu’il aide à terminer la construction d’une aile du pont neuf, qu’il prenne à sa charge déblais, remblais et pavés de la place Grammont, qu’elle garde ses droits de justice et de police, ses droits fiscaux sur les non privilégiés pour le nouvel emplacement (le Conseil du Roi a concédé le terrain à titre d’encensement le 4 février 1783), qu’elle veille au strict respect des plans qui seront déposés en mairie.
17 août 1783 : le maire de Pau, de Maucor, et le conseil municipal constatent que Flamichon ne respecte pas ses engagements et demandent au roi de leur céder la concession.
26 août : à la demande du maire, une ordonnance de l’intendant d’Auch suspend les travaux et ordonne une inspection par Boisot, des Ponts-et-Chaussées, et ce malgré l’afflux des particuliers intéressés par un investissement dans les terrains du nouveau quartier : Flamichon se plaint du départ des ouvriers à la meilleure saison, du manque de zèle des entrepreneurs inquiets des « préjugés populaires », du manque de confiance qui risque de détourner les investisseurs, et réclame 12 000 livres de dommages et intérêts au corps de ville. Il faut qu’il convainque notamment les autorités qu’aucun plan n’a encore été arrêté pour la salle de spectacle, dont l’initiative revient au baron de Capdevielle, mais aussi que les empiètements de son projet sur la grand route de Bayonne ne sont pas préjudiciables à la circulation.
27 août : Flamichon fait opposition et demande des dommages et intérêts.
22 septembre : l’intendant rapporte son ordonnance après s’être rendu à Pau et avoir rencontré les parties. La municipalité consulte alors ses avocats.
26 septembre : pourvoi de la municipalité devant le Conseil d’État. Flamichon intercède auprès de Mme de Grammont.
Requête au roi par la municipalité de Pau, 8 novembre 1783 : les édiles se plaignent que le chantier n’ait pas avancé, que Flamichon en ait changé les plans (rétrécissant la place Grammont pour augmenter la superficie des lotissements qu’il vend ; oubliant de spécifier aux acquéreurs la nécessité d’aligner et d’unifier les façades, tant et si bien que certains y ont prévu de simples granges ; triplant le prix des déblais, remblais et pavés ; coupant des arbres ornant les promenades publiques avant même l’achèvement de son projet), que des cabarets se soient multipliés dans le secteur de construction, échappant aux droits ordinaires sur le vin et attirant une clientèle toujours plus grande, et qu’une partie du marché s’y soit déplacé, que les désordres y soient chaque jour plus grands. Ils contestent le fait avancé par Flamichon, que la ville ancienne ne suffise plus à une population en plein essor : il demeure en centre-ville des appartements inoccupés et un accroissement démographique ne pourrait venir que de l’accroissement du commerce, fondé sur des exportations (toiles, salaisons, vins en Béarn), qui demeurent au mieux étales (marasme des toiles et des vins), et des importations (limitées par la pauvreté des ouvriers). La municipalité n’a approuvé le projet Flamichon que parce que la ville a besoin d’une place publique et d’une halle, de récupérer en son sein les nouveaux cabarets et les droits afférents. La ville souhaiterait récupérer le terrain concédé, rembourser Flamichon, et rassure les acquéreurs en leur garantissant leur maintien de leur lot.
19 novembre 1783 : un privilège exclusif est accordé à Flamichon par le Conseil du roi pour construire une salle de spectacle à Pau : « défense à toutes personnes de le troubler dans ladite construction et de faire une autre salle de spectacles dans ladite ville de Pau ». Mais l’intendant en la généralité d’Auch peut imposer au plan de la salle les changements qu’il jugera utiles.
23 janvier 1784 : appel de Flamichon devant le conseil d’ett contre l’interruption du chantier imposée par la municipalité.
De nouvelles requêtes au roi (1er avril, 18 mai) sont faites par la municipalité et consignés dans deux mémoires imprimés ; les avocats sont saisis. On reproche désormais également à Flamichon la disposition des entrées de la salle de spectacle, ses insultes.
6 juillet 1784 : un arrêt du Conseil d’État déboute la municipalité de son appel et la condamne aux dépens.
17 avril 1790 : il est reconnu que Flamichon, en procès avec lord Iniskillin qui a achet une propriété voisine, a usurpé 140 toises : ses héritiers sont mis devant le fait accompli et sommés de régler l’affaire.
18 pluviôse an X : le maire de Pau se pourvoit devant les tribunaux pour obliger les héritiers de Plumichon à honorer les engagements du défunt pour l’aménagement du lotissement.
16 janvier 1807 : depuis son camp d’Eylau, Napoléon donne raison au maire (il y a 11 lettres des préfets aux maires de Pau, entre 1805 et 1815, sur l’affaire Flamichon).
Flamichon meurt avant l’aboutissement de son projet, qui ne sera achevé par ses héritiers (contraints par les acheteurs du lotissement et les autorités) qu’en 1817 (lettre du préfet au maire de Pau, 24 mai 1817).